L'Écho en ligne n°75 Météo

12/05/2016
 

 

 

 

 

 

 

La journée (26 mars 2016, vers 9h) commence par un inoffensif rouleau nuageux, produit par les ascendances "thermiques".
Le soleil chauffe le versant sud de la chaîne, très exposé, surtout les falaises, rocheuses, verticales : l'air monte, puis condense sa vapeur d'eau en myriades de gouttelettes.

 

 

Cumulonimbus au-dessus du Massif Central, le 17 juillet 2006. Depuis l'Aire de la Haute Corrèze (A89).

Dans les situations très instables (fort contraste de températures entre le sol et l'altitude), des nuages en forme de montagnes, les cumulonimbus, au sommet évasé ("enclume"), se projettent jusqu'à la stratosphère (vers 12 000 m ou plus ; des cristaux de glace). Très puissants, ils sont les nuages typiques de l'orage (foudre, rafales très rapides, précipitations intenses, de pluie, de grêle...).

 

 

Meylan sous la menace du Saint Eynard

Par Jean-Jacques Thillet météorologue retraité habitant du quartier

Chacun sait par expérience, surtout dans nos montagnes, que le relief intervient de façon déterminante dans l'écoulement de l’air, donc, par conséquent, dans la distribution du temps qu’il fait. “Au vent”, là où le vent frappe la montagne, celle-là joue le rôle d’un barrage, provoque une rétention, une accumulation (des nuages, des précipitations…). “Sous le vent”, l’effet est inverse, celui d’un abri par rapport aux perturbations. Mais on verra qu’il faut nuancer ce rôle protecteur.


Une masse d’air qui bute contre une chaîne de montagne est soulevée. Quand elle est suffisamment humide, cette ascendance fabrique du nuage, d’abord, de la pluie ou de la neige ensuite, quand les conditions s’y prêtent, ce qui est fréquent. Ces décompression de l’air sont en rapport avec son refroidissement. La première composante de la baisse de température de l’air ascendant est purement “mécanique” (tremplin), due au fait que la masse d’air évolue à des altitudes de plus en plus froides (les neiges éternelles en sont une conséquence). La seconde, “thermodynamique”, déterminée par les évolutions intimes de l’air soulevé, provient de l’expansion de chaque volume d’air entraîné vers des pressions de plus en plus faibles (raréfaction de l’air avec l’altitude). Un volume d’air “compressé” s'échauffe (exemple de la pompe à vélo qui chauffe quand on gonfle un pneu). Un volume d’air qui se “détend” se refroidit à l’inverse (à l’exemple du gaz s'échappant malencontreusement d’une capsule ou bonbonne ; principe du frigidaire basé sur la “décompression” d’un fluide caloporteur).

En résumé, sous l’effet de ces refroidissements conjugués, l’air condense son humidité d’abord en gouttelettes (nuage), puis en précipitations. Plus le vent est fort, plus le relief est important, plus l’air est humide, plus les chutes de pluie (ou neige) induites par ces transformations sont intenses. Un autre facteur intervient : la durée du phénomène, qui provoque ou non l’accumulation de l’eau qui tombe.

A l’automne notamment, de très fortes pluies peuvent dépendre de la percussion des perturbations de type cévenol contre les versants sud de la Chartreuse.

En régime de nord, tout danger n’est pas écarté, car les nuages formés sur le versant Sappey, à l’occasion de ces fameux “retours d’est” sont basculés par dessus la crête, déversant leur eau sur le versant sud (le long de la frontière franco-italienne, la Lombarde soufflant vers la France provoque assez souvent des inondations calamiteuses en Haute Maurienne et Haute Tarentaise).

Dans les deux cas, le régime pluvieux est beaucoup accentué par le caractère orageux éventuel, bien plus fréquent lors des épisodes cévenols automnaux, nourris de l'énergie et de la vapeur d’eau arrachées à la Méditerranée.

Justement, le danger le plus fort, le plus imparable aussi car trop soudain et brutal, vient de l’orage. Il n’a pas besoin de perturbation organisée en vaste plage de mauvais temps, il peut être local, quasi ponctuel, se former sur un versant, au printemps (mai et juin) et en été. Sa puissance est très irrégulière, selon l’ambiance générale. Il peut être cataclysmique, comme à Saint-Gervais (38), le 5 juillet 1971. En plaine, ces orages violents, statiques, durant plusieurs heures parfois, sont à l’origine de gros dégâts par inondation, mais en pays de relief la pente accroît considérablement les méfaits, car les eaux déferlent, vite et puissamment (crues torrentielles), rendant presque impossible toute alerte. Seuls les ouvrages de ralentissement du courant sur les versants (la face sud du Saint Eynard en est truffée) et d’autres précautions anticipées (protection passive : entretien des lits de torrents, dimensionnement proportionné des buses de canalisation, toutes facilités laissées au flux pour s'évacuer…) offrent une parade relative aux déferlements de la crête vers la vallée.

La montagne favorise les ascendances thermiques (planeurs, parapentes) génératrices de nuages, d’averses, d’orages. Le développement d’un orage est parfois explosif, de l’ordre de la demi-heure. Son intensité est imprévisible. Pour peu que dans un flux local inerte l’orage se régénère sur place une heure ou deux, il tourne à la catastrophe. La face sud du Saint Eynard, rocheuse, bien exposée à la surchauffe solaire, réunit les conditions pour favoriser les ascendances.

Le “réchauffement”, admis et prévu quasi unanimement par les scientifiques, ne peut qu’accentuer les risques, pas dans 50 ans, dès à présent (on constate bien la multiplication des évènements météo exceptionnels : cyclones, tornades, canicules, inondations…). Plus de chaleur, c’est plus d'énergie pour développer vite et fort les cumulonimbus (nuages d’orage, dont le plus banal représente l’équivalent de plusieurs bombes de type Hiroshima), c’est aussi plus d'évaporation des mers, donc plus d’eau disponible pour fabriquer des nuages et leur fournir des réserves à distribuer. Il est logique et raisonnable de considérer que les situations à crues dangereuses vont devenir plus fréquentes dans les prochaines années. Meylan est située dans un secteur pour le moins particulièrement sensible.

Jean-Jacques Thillet
4 mai 2016

Revoir la vidéo des inondations à Meylan du 06 juin 2010
 


 

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