L'Écho en ligne n°81 Chêne

01/11/2016
 

 

 

 

 

 

Tribune libre
La complainte du Chêne du Domaine d’Aspre (Chemin des Sétérées du Dessous)

Il ne fait pas bon d'être CHÊNE en ce moment à Meylan.
Je suis un chêne déjà de bonne taille, 50 cm de diamètre, on vient de creuser ma tombe de 2 m de profond, à 50 cm de mon pied, pour créer les fondations de 2 futurs immeubles collectifs, au total 136 logements. Une partie de mes racines va rester à nu au moins pendant 2 ans, le temps des travaux, en plus ils m’ont mutilé 3 ou 4 membres, mes branches allaient effleurer et salir les façades des immeubles, les écureuils risquaient de rentrer par les fenêtres pour cacher quelques glands dans les chambres de mes futurs voisins.
J’espère que mon agonie ne sera pas trop longue, 4 ou 5 ans au maximum, il me reste plus qu’à compter les jours qui me restent à vivre au milieu de ce chantier, et la suite est bien connue, un jour viendra que je n’en pourrai plus, sans pouvoir puiser l’eau et les nutriments pour m’alimenter par le peu de racines qui me restent, ma destinée est tout tracée.
Mais je me console, je passerai à la postérité, la manipulation laisse le temps au promoteur de faire ses photos tant que je suis debout pour illustrer ses plaquettes commerciales luxueuses pour vanter la supercherie du "Meylan Nature", avec son environnement de chênes majestueux dignes du Domaine d’Aspre.
Je pense aussi à la personne qui a signé le permis de construire à la mairie, mon arrêt de mort en quelque sorte, son rôle n’est pas facile, elle a dit que ça « lui avait fendu le cœur de savoir qu’il fallait couper plusieurs de mes congénères chênes pour permettre la construction des immeubles ». Le cœur fendu, cela doit faire mal! Mais c’est bizarre, elle parle encore beaucoup… Surtout, ce n’est pas de sa faute à cette élue, avec cette fameuse loi ALUR, elle est obligée de laisser le promoteur décider de la densité des immeubles, il n’y a pas assez de place pour tout, il faut quand même laisser autour des immeubles une voie d’accès pour les voitures, et quelques places de parking, et les espaces verts ? Oh, j’ai oublié, mais à Meylan, les habitants sont gâtés, ils ont déjà assez de parcs publics, et puis, pas très loin de là, il y a quelques vieilles copropriétés environnantes construites dans les années 1970-80 qui ont des superbes espaces verts, ouverts au public, les habitants y sont sympathiques, ils accueilleront volontiers les futurs occupants et leurs enfants adoreront jouer sur leur toboggan…
Souvent, je repense à mon ancêtre du Parc de Bachais, qui était âgé de trois siècles planté sous Colbert, il a mis 10 ans à agonir, à la suite de la création de l’avenue du Taillefer, à 20m 10m de son pied. Il y avait bien une Gine W. qui avait prédit mon destin, qui le rabâchait à longueur de réunions dans l’indifférence générale, on la considérait comme une rabat-joie…et puis d’années en années, le feuillage de ce vénérable ancêtre s’est éclairci, les branches sommitales ont desséchées, et 10 ans après on a dû l’abattre de crainte qu’il s’écroule sur une voiture dévalant l’avenue du Taillefer ou sur un promeneur dans le parc du Bachais. Gine avait bien raison, mais l’histoire se répète souvent, la destinée de mes cousins dispersés dans la plaine de Meylan est bien incertaine….
J’ai entendu aussi parler de mes voisins tout proches, ceux de la future résidence « Taillefer », avenue du Vieux Chêne (le gag !), en face de la déchèterie. Ah, les pauvres dans quelques jours, 30 de mes confrères vont être égorgés à la base (à la Daech) , eux au moins ,ils ne souffriront pas , la tronçonneuse, c’est rapide. Là aussi tout est prévu le permis de construire de la mairie a imposé au promoteur des mesures de compensation, ces 30 chênes de 50 cm de diamètre vont être remplacés par 2 baliveaux de 10 cm de diamètre, le long de l’avenue du Vieux Chêne, vous les voyez sur la luxueuse plaquette en papier glacé qui fait la promotion de cette belle résidence.
Vous avez dit « Vieux Chêne », tiens, il y a longtemps que je n’ai pas eu de ses nouvelles de ce bel arbre qui trônait au milieu de cette avenue, vers le restaurant d’entreprise d’Inovallée, pourtant il a eu du succès, il a eu le privilège de donner son nom à cette avenue fréquentée de Meylan, ne lui serait- il pas arrivé malheur ????


SCOOP en guise d’EPILOGUE : La complainte du Chêne du Domaine d’Aspre se termine brusquement et violemment. Alors qu’il était en train de raconter sa complainte pour la faire transcrire dans l’Echo en ligne, son arrêt de mort a été placardé sur la grille de protection du chantier, (une déclaration préalable « d’élagage », en terme officiel). Quelques jours après, dans la froideur d’un matin d’automne, le bourreau a actionné la guillotine, le chêne a été purement et simplement abattu (c’est un nouveau mode d’élagage), et une énorme mâchoire d’acier a même arraché sa souche, et remblayée sa tombe.
Sa disparition a été constatée ce jour, le 19 octobre 2016.
FIN (pour lui) mais ATTENTION les copains Chênes de Meylan, souvenez-vous l’histoire est un perpétuel recommencement !!!
AB


 

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