L'urbanisme c'est notre affaire !

Thierry Paquot, philosophe de l'urbain, est professeur des universités à Paris 12 et éditeur de la revue 'Urbanisme'. 

L'urbanisme c'est notre affaire !  Thierry Paquot édition L'Atalante

Qu'est-ce que l'urbanisme ?
L'urbanisme ne se borne pas à gérer des opérations urbaines, à dessiner des plans d'aménagement et à élaborer des normes et des quotas. C'est avant tout la manière démocratique d'agencer les activités des citadins dans le temps et dans l'espace, l'art des relations, des transitions, des combinaisons. 
C'est surtout un art de vivre qui, sans cesse, conforte l'amitié de la nature et de la technique avec les humains, recherche la juste proportion entre le corps du citadin, le bâti et le planté. Il repose sur des idées, des convictions,  parfois des utopies et il réclame toujours le débat.

De la ville et de l'urbain
Pour Thierry Paquot, la "ville" sort de l'histoire de l'humanité après avoir tenu la vedette pendant des siècles, et laisse la place à un "urbain", plus ou moins diffus, qu'il nous faut apprendre à connaître et reconnaître. L'après ville est le moment actuel de la civilisation urbaine à l'échelle de la planète.
L'urbanisme doit chercher à combiner la logique des lieux à la logique des flux en entremêlant le plus judicieusement possible les diverses activités indispensables à la vie de chacun. Ainsi ménage-t-il le lieu (topos) avec une attention particulière au temps (chronos) car ce sont avant tout les interactions entre citadins qui confèrent du sens à un territoire.

Pour un urbanisme sensoriel
On peut se demander pourquoi un urbanisme de "l'accueillance" n'est pas davantage privilégié. L'idéologie fonctionnaliste est en partie responsable de la déshumanisation des villes et des bâtiments. Ne l'oublions pas la majorité des aménagements urbains s'effectuent selon un modèle de quartiers "zonés" et quadrillés sans aucune réflexion sur les ambiances, les couleurs, les paysages,  les rythmes, les transitions …
Aujourd'hui, plusieurs facteurs (souci écologique, cadre de vie...) convient les "fabricants de la ville" à adopter une approche plus sensible (ressenti, perceptions, ambiances...)

Pour un urbanisme participatif
Le droit des habitants de la commune à être informés  des affaires de celle-ci et à être consultés sur les décisions qui les concernent est un principe essentiel de la démocratie locale.
Généralement, les élus et décideurs râlent contre ces obligations légales de concertation, arguant une perte de temps. En France, la culture citoyenne n'est guère stimulée tant la représentativité est imposante et en partie confisquée par une classe politique qui possède ses codes, son langage, ses clubs et ses réseaux. Il s'ensuit une dépolitisation de l'ensemble de la société et un relatif désintérêt pour la chose publique.
Pourtant l'esprit de la cité résulte avant tout de l'engagement des habitants dans les affaires publiques. Cette participation conditionne largement la vie citadine et son évolution, sans elle la ville perd son âme.
La cyberdémocratie urbaine se dessine au fur et à mesure que les citadins s'emparent des données numériques et relancent un cyber-urbanisme encore trop peu exploré.

De l'urbanisme comme bien commun
Le bien commun est le bien de tous, en bloc, mais qui appartient aussi à chacun en particulier, en tant que membres de la communauté. Et la communauté ce n'est pas juste ce que l'on partage, mais aussi ce qui nous oblige les uns envers les autres. Le commun crée du lien et s'apparente alors à l'éthique, c'est-à-dire à quelque chose qui déborde du cadre juridique des droits.
L'individu peut devenir un banal consommateur de son logement, de son espace de vie, mais il ne restera le sujet de son histoire qu'au prix de transformations qui consistent à considérer l'urbanisme comme un bien commun dont la rentabilité est avant tout écologique et sociale.

Notes de lecture Jean-Yves Courcoux